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La part des ténèbres, par Stephen King

La part des ténèbres, Stephen King aux Editions Pocket, 7,80€.


J'étais adolescente quand j'ai découvert le King. Je m'en rappelle comme si c'était hier. J'étais allée dans une brocante, où j'ai rencontré un vieux monsieur passionné par l’œuvre de Stephen. Il devait - à contre cœur - se séparer de son petit trésor. Ce matin-là, j'ai pris tout ce que mon argent de poche me permettait d'acquérir: Charlie, Rose Madder, Cœurs perdus en Atlantide, La ligne verte, Christine, Jessie, La peau sur les os, Dreamcatcher...et La part des ténèbres. Ce que j'aime, et ce qui me rend si sensible aux récits de cet auteur, c'est sa faculté à m'emporter dans son univers intrépide et fantasmagorique où le rêve et la réalité se confondent, où les éléments du quotidien nous ont par surprise, et où l'extraordinaire surgit quand on s'y attend le moins. Avec Stephen, je me surprends à déguster et à redouter chaque mot, tout à la fois. Surtout, depuis que je le connais, acquérir ses romans est devenu une véritable quête. Je les dévore les uns après les autres, et je suis loin d'en avoir fait le tour! Mais la librovore que je suis ne s'avoue pas vaincue...


"Mais les écrivains INVITENT les fantômes, peut-être ; comme les acteurs et les artistes, ils sont les seuls médiums que notre société accepte totalement. Ils créent des mondes qui n'ont jamais existé, et nous invitent à participer à leurs fantasmes. Or c'est bien ce que nous faisons, et volontiers, non ? Et nous PAYONS même pour ça !"


Écrire, pour donner de soi.


Thad Beaumont est un auteur à succès. Comme tout un chacun , il a ses petites manies. Par exemple, il écrit toujours sur sa machine, une veille Remington que lui a offert sa maman quand il n'était qu'un petit garçon en convalescence... Parce que lorsqu'il était enfant, Thad a souffert d'une tumeur bénigne au cerveau...c'est du moins ce que lui ont dit les médecins. Un détail insignifiant, diriez-vous? Peut-être bien... Le problème - si c'en est un - c'est que son alter ego, George Stark est un écrivain bien plus prolifique que lui, du moins jusqu'à ce que Thad s'en débarrasse, allant jusqu'à mettre en scène sa mort, en suivant les conseils d'une journaliste aux goûts très particuliers. Et si cela fait rire le gentil et talentueux Thad, il ne peut néanmoins taire le malaise qui grandit en lui.


" Je suis aussi vulnérable au chant des sirènes argentées que n'importe qui."


Dans quel genre littéraire classerons-nous donc cette œuvre? Bien évidemment, nous ne pouvons nier que tous les éléments du fantastique sont réunis. La peur rode autour de nos personnages. Elle prend d'assaut leur cœur et les tétanise de manière abrupte devant les doutes qui les assaillent. Cette apparition "inexorablement plausible" qui sème le trouble, commet des actes abominables et se rapproche doucement mais sûrement de la famille Beaumont. Plus encore, elle nous glace le sang. Stephen King nous torture. Il commence par nous faire aimer cette sympathique famille pour mieux nous faire trembler ensuite! Mais encore une fois, qu'est-ce que cette œuvre est addictive! Nous sommes dans un tel état d'angoisse que nous avons besoin de savoir ce qui adviendra de Thad, Liz, et des jumeaux!


Les moineaux voleront-ils de nouveau?


Quand dans la plupart des autres romans, la ville qui ne dort jamais fait sensation, elle devient dans l'univers Stephen-Kinien une grande et vieille pomme véreuse. Parce que sous sa lumière se cachent des heures sombres, près de la part des ténèbres de notre aimé Thad. Prisonnier de lui-même au cœur d'un jeu du chat et de la souris sur lequel il ne semble avoir aucun contrôle, il est pris au piège. Nous tremblons pour lui, nous stressons pour sa famille. L'atmosphère est pesante, entrecoupée de moments intimes qui nous font frémir davantage. Notre sentiment d'impuissance n'a d'égal que la cruauté de George Stark. Ce nom-là nous fait frissonner comme jamais. Oooh oui! Croyez-moi sur parole!


"J'en ai pas terminé avec toi, enfoiré, dit doucement George Stark derrière lui. Le sourire avait disparu de sa voix. Le timbre en était aussi glacial que le lac Castle en novembre. N'oublie pas ça. N'essaie pas de jouer au con avec moi. Parce que si tu joues au con avec moi..."


Néanmoins, cette histoire poignante n'est pas juste un roman fantastico-horrifique particulièrement bien construit et remarquablement éprouvant. Les dualités auteur/alter égo et personnage/alter égo permettent une réflexion sur le travail de l'écrivain, sur sa faculté particulière à voir de son troisième œil, et à donner vie à un monde tout autre. Thad est presque l'objet d'une expérimentation de la part d'un auteur qui a longtemps travaillé sous un pseudonyme, Richard Bachman. Néanmoins, si le sujet est intime, notre auteur a toujours été un écrivain prolifique, et a su préserver sa vie privée. Mais qu'on se le dise! Richard Bachman avait un visage, une biographie...il était bel et bien son alter-égo.


Et vous, vous êtes-vous déjà demandé ce qui se cachait sous cette faculté de l'écrivain à imaginer, à créer, à donner vie?


Et si votre alter-égo rêvait d'occuper la place qui lui revient de droit?


"Et partout, des moineaux. Alignés sur tous les toits, en grappes sur chaque poteau, n'attendant qu'un ordre de l'esprit du groupe. Alors ils exploseraient vers le ciel avec un bruissement de milliers de feuilles agitées par un vent soutenu."


Parce que Lire, c'est aimer, rêver et s'envoler!

Lorène Mannarini



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