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Ravage - René Barjavel

  • Liameen
  • 13 janv. 2016
  • 3 min de lecture

Ravage - René Barjavel

Roman paru aux éditions Folio, première édition grand format 1943,

publié en poche en mai 1973, 313 pages, 7,50 €.


En 2054, le monde entier est peuplé d'hommes assistés par une foule de machines devenues vitales. A quel point ?

François et Blanche, tous deux issus d'un petit village de Provence traditionnel, se retrouvent à Paris pour leurs études lorsqu'un cataclysme obscurcit le monde : l'électricité disparaît, toutes les machines s'éteignent., les avions tombent du ciel, les communications sont totalement interrompues. Dès lors, revenue au Moyen Âge, cette France ultra-moderne va devoir survivre avec les moyens du bord, et François, leader né, emmènera les survivants d'un Paris en ruines vers son village, à travers un pays dévasté...

Écrit en 1942, ce premier roman célèbre de celui que l'on considère comme l'un des pères de la science-fiction française est un classique. Barjavel a créé une société idéale, du moins on pourrait le croire, et la détruit, montrant ainsi que la terre est la seule ressource sur laquelle on peut réellement compter, ainsi que sur l'effort.

Ce roman de SF post-apocalyptique, véritable dystopie, intervient en pleine Seconde Guerre mondiale, comme une envie de toute recommencer dans cette période de troubles et d'horreur, de ramener les combats entre les hommes à celui de l'Homme contre la Nature, en un fléau envoyé par le Ciel, touchant la technologie et ramenant les êtres humains vers eux-mêmes. Ravage révèle le pessimisme de Barjavel vis-à-vis de l'utilisation du progrès scientifique par les hommes et, véritable parcours initiatique, le voyage des personnages pour retrouver l'Eden perdu se révèle encore plus terrible que la catastrophe elle-même.

On peut sentir les ravages du temps sur l'écriture de Barjavel, car ses personnages, bien que vivant en 2054, s'expriment comme au XXe siècle (François, le héros, se méfie de la technologie et, avec sa vingtaine d'années, prône le retour à la terre en parlant comme mon grand-père...), usant d'un vocabulaire qui m'a paru un peu désuet, bien que parfaitement acceptable. Et pourtant, malgré cette petite distance que l'on peut sentir (les sentiments ne sont pas le point fort de cette histoire, les morts sont expédiées, les paysages détruits décrits de manière quasi scientifique), on rentre si bien dans l'univers de Ravage que les mots importent peu, tout ce que l'on souhaite c'est savoir si l'humanité va survivre, comment elle va se relever de cette catastrophe.

Ce roman est également particulièrement saisissant par sa description vivante de l'effondrement soudain de la civilisation machiniste, le retour immédiat de la barbarie et le passage brutal d'un monde aseptisé à la peste du Moyen Âge, aux pillages, aux meurtres et aux incendies dévastateurs, auxquels on a du mal à croire...

Et ainsi, on ne peut pas s'empêcher de se poser la question : dans une situation pareille, bien que moins mécanisée, comment ferait notre société de 2016 si cela arrivait ? Une situation extrême entraînant des comportements extrêmes, tous les romans de SF post-apocalyptiques nous font réfléchir à ce genre de choses, mais Barjavel a le don, à travers le temps, de nous faire nous questionner sur l'utilité des machines, sur les fondements de l'humanité, sur les défauts de notre société, qui se rapproche petit à petit de celle qu'il décrit : c'est le courage qui permet de vaincre, des valeurs saines et un mode de vie plus proche de la nature qui nous permettraient de survivre. En sommes-nous capables ?

On pourrait aller beaucoup plus loin dans l'analyse des personnages, de la société qui s'effondre et de celle que les survivants reconstruisent, les appliquer à un époque, des hommes politiques, etc., mais je n'ai pas vu tout ça dans ma lecture (ma deuxième d'ailleurs, la première datait d'il y a presque dix ans...) : pour moi, Ravage est d'abord un livre transgénérationnel, en avance sur son temps, et qui toujours confirmera Barjavel à sa place de précurseur de la SF, dans la fabuleuse lignée des écrivains comme Jules Verne et H. G. Wells. Un écrivain dont je ne me lasse pas.


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